En décembre dernier, Au coin mousse a fêté son premier anniversaire. Malgré son jeu âge, le bar est déjà une référence incontournable à Genève. C’est que, dans la cité de Calvin, il manquait un établissement entièrement dédié à ce breuvage existant – certain(e)s l’ignorent encore – sous des formes nombreuses et variées. Le vide est désormais comblé de la plus belle des manières, avec un endroit accueillant, neuf, propre, tenu par une équipe de passionnés qui ne comptent pas leur temps pour conseiller les clients avec précision. La situation est idéale, à proximité de la gare Cornavin et dans le très vivant quartier des Grottes. Enfin, et c’est bien ce qui nous intéresse particulièrement, un grand nombre de bières de qualité est proposé. 21 tireuses permettent un choix d’autant de brevages dans une constante évolution (lorsqu’un fût est terminé, on le remplace par celui d’une autre bière). Une énorme ardoise permet de savoir quelles bières sont actuellement disponibles, ce qui est aussi pratique qu’esthétiquement agréable. Nous avons rencontré Yannick, le patron, ainsi que son collègue Julien, afin d’en savoir davantage sur ce lieu à découvrir absolument.
Nous commençons par leur demander d’où est parti l’idée. La réponse fuse : depuis tout jeune ! Yannick, ami de Livio (Brasserie du Virage), connaissait déjà bien tout ce qui touche à la bière et ne pouvait que constater le fait qu’un tel établissement n’existait malheureusement pas à Genève. Le local ayant été déniché et Livio n’ayant pas le temps de travailler sur ce projet (on comprend pourquoi), il a présenté Julien à Yannick et ceux-ci sont, à leur tour, devenus amis. Julien nous indique qu’il a beaucoup de respect pour son patron qui a mis des fonds de côté pour ouvrir son propre commerce.
Quelles ont été les éventuelles influences de Yannick ? On peut citer la Fine mousse (Paris), le Delirium et le Moeder Lambic (Bruxelles), ainsi que le Pi-Bar (Lausanne), des précurseurs.
Quelles contraintes économiques y a-t-il pour un établissement de ce type ? Julien nous répond que l’investissement a été de plusieurs dizaines de milliers de francs. Avec le nombre de fûts à faire fonctionner simultanément, il était compliqué d’avoir la chambre froide idéale : coûts énergétiques, chaleur, question de place également… De plus, faire fonctionner une telle installation et l’entretenir demande des compétences techniques pointues, il s’agit d’un véritable métier. La conversation que nous avons avec Julien s’oriente vers ce que l’on appelle le « modèle Heineken », qu’il trouve parfaitement inintéressant. Avec ce modèle, le groupe paie l’installation mais demande l’exclusivité sur la pression. Il procède à une large estimation sur le volume annuel qui va être consommé et fait une offre en fonction de cela. Si moins de bière est vendue, c’est tant pis pour l’établissement. L’équipe d’Au coin mousse a préféré avoir la possibilité de faire jouer la concurrence, mais cela nécessite des compétences (il y a différents gaz, différentes fûts…).
Quels ont été les doutes et les obstacles ? Julien nous indique tout d’abord qu’Au coin mousse a ouvert ses portes le 1er décembre 2016, soit deux mois et demi plus tard que prévu. La faute à l’affaire de la Loi sur le débit de boissons (souvenez-vous de L’Usine…). Plus tard, nous revenons sur cette question avec Yannick qui ne cache pas un instant les difficultés rencontrées, notamment les refus de financement de la part des banques. Trouver la bonne arcade, avec les contraintes techniques que nous avons déjà évoquées, tout cela n’était pas simple. Concrètement, l’idée a véritablement germé en octobre 2014. Un peu plus de deux ans plus tard, Au coin mousse ouvrait ses portes.
Nous demandons ensuite aux deux compères si les résultats sont conformes à leurs attentes. Ceux-là se montrent satisfaits des premiers résultats, avec la certitude qu’il y a beaucoup de potentiel pour un établissement de ce type. Il faut savoir qu’à Lausanne, ville plus petite que Genève, il y a déjà plusieurs bars à bières. C’est dire si la marge de progression est importante pour Au coin mousse.
Quelles sont les relations de Yannick et Julien avec les brasseurs ? Excellentes ! On a parlé plus haut de la Brasserie du Virage. Quant à Julien, il connaît beaucoup de brasseurs suisses, les a sollicités. Le milieu est ouvert humainement et, dans celui-ci, on devient vite ami. L’expression que nous avons relevée est « copain concurrent ».
Quels sont les projets et ambitions pour la suite des opérations ? La réponse de Julien est que l’ambition est de faire fonctionner l’endroit de la meilleure façon possible et de continuer à faire découvrir la bière de qualité aux gens. Yannick, de son côté, répond qu’il souhaite faire davantage de soirées thématiques, et faire venir des brasseries étrangères régulièrement, même si cela a un coût élevé. La discussion évolue vers les goûts des clients et l’origine de ceux-ci. Certains ont des préférences très précises, adorant De Molen par exemple. Une base de clients apprécie l’IPA, cela peut représenter jusqu’à la moitié des ventes. Mais les bières acides rencontrent également du succès désormais. Il y a beaucoup d’expatriés (Américains, Canadiens, également « touristes de la bière ») qui fréquentent l’établissement, avec la proximité des Nations, les afterworks et des sites ou applications tels que RateBeer et Untappd.
Le public est très varié. Était-ce attendu ? Une nouvelle fois, la réponse fuse : « Non, mais ça fait plaisir ! » Julien est fier de préciser qu’Au coin mousse est l’un des établissements les moins chers dans le spécialisé, c’est-à-dire proposant des bières qui ne sont pas industrielles. Ces prix attractifs sont sans doute l’une des raisons qui explique que le public est varié, que l’établissement n’est pas réservé à une élite. Il y a aussi des « touristes de la bière » qui ont entendu parler du bar sur des médias spécialisés.
Nous demandons à Julien quel regard il jette sur les bières genevoises actuellement. Pour lui, on va dans la bonne direction, notamment avec la Brasserie du Virage, celle du Chien bleu et L’Apaisée qui « osent » et prennent le temps d’éduquer les consommateurs.
Nous enchaînons en lui demandant s’il a une bière préférée ou un coup de coeur du moment. Julien nous répond que cela dépend de son état, de son humeur, mais que son envie, c’est surtout que chacun trouve son propre coup de coeur. Son travail, c’est avant tout cela.
Cet article vous a sans doute donné envie de boire une bonne bière. Voici les coordonnées de l’établissement : Au coin mousse – 21, rue du Fort-Barreau – 1201 Genève – 022 740 57 50